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Test d’écoute : Serge Gainsbourg en Live au Casino de Paris

Comparaison de trois éditions : Serge Gainsbourg en Live (Casino de Paris,  1985)

Serge Gainsbourg a enregistré assez peu de concerts, mais le plus mythique d’entre eux est sans aucun doute le Live au Casino de Paris sorti en 1986, et enregistré à l’automne 1985 (les 3, 4 et 5 octobre). Il a été vendu à plus de 300 000 exemplaires et a reçu la certification « Disque de Platine » en 1990. Le site Discogs.com recense plus de 20 éditions, entre les LPs et les CDs originaux et remixés ou remasterisés. Nous avons choisi trois éditions différentes au showroom et nous trouvions intéressant de les comparer à l’écoute.

  • Quelles éditions ?

Voici les trois éditions que nous avons décidé d’écouter :

  • 1) CD – 826 721-2, Album, Stéréo, chez Polygram, 1986 (à gauche sur la photo)
  • 2) 2xCD – 474 699 2, Album, Deluxe Edition, Remixage, chez Mercury, 2016 (à droite sur la photo)
  • 3) LP – 826 721-1, Album, chez Philips, 1986 (à l’arrière plan sur la photo)

Il est déjà intéressant de noter que les trois éditions contiennent des track-lists différentes (voir photo ci-dessous). En effet, comme ce fut une captation sur trois soirées de concerts, il y a bien plus de titres enregistrés qu’il n’y a de place sur un support physique comme un CD ou un vinyle. Cela a permis de varier les éditions et de sortir un double-CD à l’occasion de l’Edition Deluxe de 2016. En revanche pour comparer les trois éditions nous avons choisi trois titres qu’elles ont toutes en commun.

tracklist CD 1986

La track-list du CD d’originelle de 1986

 

tracklist double CD de 2016 (Deluxe Edition)

La track-list du double CD de 2016 (Deluxe Edition)

 

tracklist double LP de 1986

La track-list du double LP (vinyle) de 1986

 

  • 1985 : les balbutiements du Compact-Disc en France

Avant de comparer ces versions, rappelons que le CD est né des brevets Sony et Philips en août 1982, et que sa première commercialisation en France date de mars 1983. Comme toute apparition de technologies numériques (qui furent toutes des révolutions ! ) le CD a eu besoin de quelques années (presque 10 en l’occurence) pour parvenir à sa pleine maturité.

Rappelons aussi que si le CD promettait sur le papier plus de bande passante que le vinyle, ce n’a pas été le cas du jour au lendemain. Il n’était déjà pas chose aisée en 1985 de retranscrire la magie et la profondeur d’un live en bande magnétique, alors que dire des premiers masterings numériques en studio (qui avaient tendance à réduire la bande passante et écraser la dynamique)…? Il faut comprendre que cette nouvelle technologie exigeait de convertir deux fois le signal : une première fois en studio où l’on passait de l’analogique au digital à travers des machines énormes, très couteuses, et peu efficaces (sans parler du savoir-faire des ingénieurs du son qui a mis du temps à s’adapter) – et une deuxième fois chez l’auditeur, où les premiers DAC de l’histoire faisaient ce qu’ils pouvaient pour repasser dans le monde analogique et nourrir les amplificateurs, sans trop perdre en qualité.

Cela explique que pendant des années le vinyle est resté très supérieur au CD – et qu’encore aujourd’hui, certains pressages vinyles d’excellente facture des années 80 seront à tout jamais supérieurs à leurs homologues numériques, quelles que soient les versions re-mixées et re-masterisées dont ils ont pu bénéficier (nouvelles versions qui le plus souvent, repartent du premier mixage numérique ! Rares sont les studios d’aujourd’hui à repartir des bandes magnétiques sources de l’enregistrement – qui sont généralement en piteux état de conservation, au gré des copies, des relectures et des éditions multiples).

  • Le re-mixage de 2016

Si l’édition de 2016 sortie chez Mercury nous intéresse (Deluxe Edition, en double-CD, 474 699 2), c’est parce qu’elle a bénéficié d’un re-mixage avec des moyens modernes. C’est Sébastien Merlet qui s’en est occupé (crédité sur le double album). Il n’a pas pu repartir du multi-pistes en bande magnétique de l’époque (sans doute parce que les bandes sont inexploitables aujourd’hui), mais a repris le multi-pistes numérique de 1986.

Il a donc pu agir sur la dynamique, l’égalisation, l’ouverture de scène sur la rampe stéréophonique, la compression ou l’expansion du son, etc. (autant de paramètres qui demandaient cruellement à être actualisés – voir ci-dessous notre test d’écoute)… Le remixage de cet album est un travail délicat, d’abord parce que, comme dit plus haut, on doit agir à partir d’une étape post-conversion (on ne peut donc pas agir directement sur la matrice analogique) et aussi car ce live étant un patchwork de plusieurs concerts captés, les caractéristiques de prise de son changent presque pour chaque morceau. Il faut donc re-mixer plage par plage, et non pas globalement.

NB : c’est cette version re-mixée que nous trouvons sur Qobuz aujourd’hui.

 

  • Le test d’écoute

Nous comparons les trois éditions sur les titres Love On The Beat, Initials BB, et La Javanaise.

 

  • Love On The Beat :

Sur le CD de 1986 : Ça manque cruellement d’ouverture stéréo ; l’image de scène semble toute petite ! Aussi, on entend peu la salle (ambiance du public). A 3 min 26, la voix de Gainsbourg manque de grave – sa fondamentale est « mangée » et on n’entend que ses harmoniques (frustrant) ! Les « voicings » manquent aussi d’ouverture, et sont bizarrement placés très à gauche sur la rampe stéréo. La batterie aussi manque vraiment de grave (le kick notamment ! ) et celle-ci semble très (trop) compressée.

Sur le CD re-mixé de 2016 : On entend déjà bien mieux la salle ! Le kick de la grosse caisse est toujours très compressé (quand il y a eu compression, c’est très difficile de ré-expandre techniquement), mais il sonne mieux car descend plus dans le grave. La voix de Gainsbourg se montre bien plus équilibrée en fréquences. Les deuxièmes et troisièmes voix sont plus naturelles et présentent plus d’ouverture stéréo. Mais globalement sur cette plage, la prise de son semble un peu pauvre pour 1985 (ce qui n’est pas rattrapable au remix).

Sur le vinyle de 1986 : Etonnant comme ça descend bien plus dans le grave ! L’image de scène semble aussi bien plus normale et ouverte (préservée en l’occurence, par rapport à la prise de son). La voix de Gainsbourg semble complètement naturelle (on retrouve sa fondamentale, dans les 80 Hz !). Le kick de la grosse caisse est toujours compressé (choix de mixage de l’époque), mais il sonne enfin – il est moins sec, et bien plus grave. Les voicings ne sont pas aussi « ouverts » que le reste, mais ils sont placés au centre, ce qui choque moins. Globalement cette version est très convaincante.

 

  • Initials BB

Sur le CD de 1986 : C’est fou – on a la sensation qu’en dessous de 200 Hz, il n’y a rien !! L’image stéréo est écrasée et petite (si frustrant ! ) Et ce qui domine le spectre en fréquences, ce sont les harmoniques des sons et non les fondamentales. On est vraiment dans le son « digitalisant » et réducteur des débuts de l’ère CD. Et on est presque agressé par les sifflantes et les sibilantes de la voix de Gainsbourg, et de tout élément dont les fondamentales sont tronquées.

NB : en plus de tout ça, on découvre un vrai problème de découpage sur ce disque. Les plages changent d’index trop tôt par rapport aux changements de chansons de l’artiste (au début de certaines plages on entend la fin de la chanson précédente ! ) et surtout : à partir de la plage 6, les chansons entendues ne correspondent plus à la tracklist affichée au dos du CD !! Si bien qu’on a voulu écouter La Javanaise sur cette version (piste 19 affichée sur la tracklist), mais on n’a pas pu car la piste 19 ne correspond pas à La Javanaise ! Si vous possédez cette édition 826 721-2, ré-écoutez là, c’en est vraiment troublant !

Sur le CD re-mixé de 2016 : Rien à voir ! L’ouverture de scène est bien plus normale, la fondamentale de la voix de Gainsbourg est presque récupérée (spectre en fréquences qui descend bien plus bas), et les sifflantes agressives ont disparu ; chapeau bas M. Merlet pour ce travail !

Sur le vinyle de 1986 : La prise de son est très différente de la première plage Love On The Beat, et c’est flagrant avec la précision analogique du LP ! La version semble meilleure que le CD 2 re-mixé (ce qui est normal – voir plus haut sur les limites des premiers masters CD) et surtout bien, bien meilleure que le CD originel de 1986 ! Les voicings manquent encore de largeur à notre goût, mais sont mixés bien au centre. Enfin une écoute qui rend hommage à ce qu’on savait faire en 1985 en termes de prise de son de concert !

 

  • La Javanaise

Sur le CD de 1986 : comme dit plus haut, à notre grand étonnement, la piste est annoncée sur la tracklist, mais n’est pas disponible sur le disque ! A la place, piste 19, on a autre chose. De la musique Live de Gainsbourg certes (sans paroles), mais certainement pas la mythique Javanaise !

Sur le CD re-mixé de 2016 : Nous retrouvons la version dématérialisée que nous connaissons bien (Qobuz, Roon…). Mais malheureusement nous ne pourrons pas la comparer avec la version originale en CD. Version émouvante car on a affaire à la voix murmurée de Gainsbourg, pleine de fumée de Gitanes et presque maladroite, qu’il avait sur scène dans sa dernière décennie. (Rappelons qu’on est six ans avant sa mort…)

Sur le vinyle de 1986 : Incroyable d’écouter cette version aujourd’hui ! Semble bien plus profonde que la version CD que nous avons en tête. Etonnant comme le grave est préservé ! La voix de Gainsbourg s’épanouit pleinement et semble complètement au naturel : on perçoit bien mieux les détails de sa voix (consonnes, respirations, chuchotements…). Et on entend enfin la sous-basse du synthétiseur dans l’introduction ! L’ambiance de salle aussi est superbe – totalement préservée. On entend même la salle chanter très distinctement, ce qui est moins le cas dans la version CD de 2016 (qu’on retrouve sur Qobuz). Bien meilleure dynamique également. Version impressionnante !

 

  • En conclusion :

Nous pensons qu’écouter le premier CD de 1986 n’a plus de sens aujourd’hui. En effet il est tellement réducteur par rapport à ce qu’on savait faire en tout analogique à l’époque ! C’est en revanche une belle archive de la période médiocre des tout premiers CD, à l’époque ou tant les procédés de masterings que les premiers convertisseurs de piètre qualité, desservaient clairement la musique (surtout quand, comme ici, on avait à faire à de la captation de concert en bande magnétique…).

Nous saluons en revanche le travail édifiant de re-mixage réalisé par Sébastien Merlet en 2016. Ce dernier a vraiment redonné ses titres de noblesse à ce live mythique. Si l’on devait vous conseiller une seule édition CD, ce serait sans conteste cette Edition Deluxe.

Mais ce que révèle ce test d’écoute, c’est la supériorité du vinyle d’époque sur le CD quand il s’agit de captations de cette période – le milieu des années 80. Plus de dynamique, plus de bande passante, et plus de sensation d’immersion ! Disclaimer important cependant : c’est vrai à condition d’utiliser 1) une platine de qualité (ici une Bergmann Galder) ; 2) une cellule de qualité (ici la Dynavector DV DRT XV-1s) ; et 3) un pré-phono de qualité (ici le Modwright PH150 Reference avec alimentation séparée). Quand on aligne ces paramètres, le plaisir d’écoute sur ces pressages d’époque est décuplé ! On vous conseille vraiment cette expérience d’écoute ! Venez au showroom et nous nous ferons un plaisir de vous démontrer ces différences flagrantes !

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